- J. K. Huysmans
- Deutsch von M. Capsius
Chapitre II
Après la vente de ses biens, des Esseintes garda les deux vieux domestiques qui avaient soigné sa mère et rempli tout à la fois l’office de régisseurs et de concierges du château de Lourps, demeuré jusqu’à l’époque de sa mise en adjudication inhabité et vide.
Il fit venir à Fontenay ce ménage habitué à un emploi de garde-malade, à une régularité d’infirmiers distribuant, d’heure en heure, des cuillerées de potion et de tisane, à un rigide silence de moines claustrés, sans communication avec le dehors, dans des pièces aux fenêtres et aux portes closes.
Le mari fut chargé de nettoyer les chambres et d’aller aux provisions, la femme de préparer la cuisine. Il leur céda le premier étage de la maison, les obligea à porter d’épais chaussons de feutre, fit placer des tambours le long des portes bien huilées et matelasser leur plancher de profonds tapis de manière à ne jamais entendre le bruit de leurs pas, au-dessus de sa tête.
Il convint avec eux aussi du sens de certaines sonneries, détermina la signification des coups de timbre, selon leur nombre, leur brièveté, leur longueur; désigna, sur son bureau, la place où ils devaient, tous les mois, déposer, pendant son sommeil, le livre des comptes; il s’arrangea, enfin, de façon à ne pas être souvent obligé de leur parler ou de les voir.
Néanmoins, comme la femme devait quelquefois longer la maison pour atteindre un hangar où était remisé le bois, il voulut que son ombre, lorsqu’elle traversait les carreaux de ses fenêtres, ne fût pas hostile, et il lui fit fabriquer un costume en faille flamande, avec bonnet blanc et large capuchon, baissé, noir, tel qu’en portent encore, à Gand, les femmes du béguinage. L’ombre de cette coiffe passant devant lui, dans le crépuscule, lui donnait la sensation d’un cloître, lui rappelait ces muets et dévots villages, ces quartiers morts, enfermés et enfouis dans le coin d’une active et vivante ville.
Il régla aussi les heures immuables des repas; ils étaient d’ailleurs peu compliqués et très succincts, les défaillances de son estomac ne lui permettant plus d’absorber des mets variés ou lourds.
À cinq heures, l’hiver, après la chute du jour, il déjeunait légèrement de deux oeufs à la coque, de rôties et de thé; puis il dînait vers les onze heures; buvait du café, quelquefois du thé et du vin, pendant la nuit; picorait une petite dînette, sur les cinq heures du matin, avant de se mettre au lit.
Il prenait ces repas, dont l’ordonnance et le menu étaient, une fois pour toutes, fixés à chaque commencement de saison, sur une table, au milieu d’une petite pièce, séparée de son cabinet de travail par un corridor capitonné, hermétiquement fermé, ne laissant filtrer, ni odeur, ni bruit, dans chacune des deux pièces qu’il servait à joindre.
Cette salle à manger ressemblait à la cabine d’un navire avec son plafond voûté, muni de poutres en demi-cercle ses cloisons et son plancher, en bois de pitchpin, sa petite croisée ouverte dans la boiserie, de même qu’un hublot dans un sabord.
Ainsi que ces boîtes du Japon qui entrent, les unes dans les autres, cette pièce était insérée dans une pièce plus grande, qui était la véritable salle à manger bâtie par l’architecte.
Celle-ci était percée de deux fenêtres, l’une, maintenant invisible, cachée par la cloison qu’un ressort rabattait cependant, à volonté, afin de permettre de renouveler l’air qui par cette ouverture pouvait alors circuler autour de la boîte de pitchpin et pénétrer en elle; l’autre, visible, car elle était placée juste en face du hublot pratiqué dans la boiserie, mais condamnée; en effet, un grand aquarium occupait tout l’espace compris entre ce hublot et cette réelle fenêtre ouverte dans le vrai mur. Le jour traversait donc, pour éclairer la cabine, la croisée, dont les carreaux avaient été remplacés par une glace sans tain, l’eau, et, en dernier lieu, la vitre à demeure du sabord.
Au moment où le samowar fumait sur la table, alors que, pendant l’automne, le soleil achevait de disparaître, l’eau de l’aquarium durant la matinée vitreuse et trouble, rougeoyait et tamisait sur les blondes cloisons des lueurs enflammées de braises.
Quelquefois, dans l’après-midi, lorsque, par hasard, des Esseintes était réveillé et debout, il faisait manoeuvrer le jeu des tuyaux et des conduits qui vidaient l’aquarium et le remplissaient à nouveau d’eau pure, et il y faisait verser des gouttes d’essences colorées, s’offrant, à sa guise ainsi, les tons verts ou saumâtres, opalins ou argentés, qu’ont les véritables rivières, suivant la couleur du ciel, l’ardeur plus ou moins vive du soleil, les menaces plus ou moins accentuées de la pluie, suivant, en un mot, l’état de la saison et de l’atmosphère.
Il se figurait alors être dans l’entre-pont d’un brick, et curieusement il contemplait de merveilleux poissons mécaniques, montés comme des pièces d’horlogerie, qui passaient devant la vitre du sabord et s’accrochaient dans de fausses herbes; ou bien, tout en aspirant la senteur du goudron, qu’on insufflait dans la pièce avant qu’il y entrât, il examinait, pendues aux murs, des gravures en couleur représentant, ainsi que dans les agences des paquebots et des Lloyd, des steamers en route pour Valparaiso et la Plata, et des tableaux encadrés sur lesquels étaient inscrits les itinéraires de la ligne du Royal Mail Steam Packet, des compagnies Lopez et Valéry, les frets et les escales des services postaux de l’Atlantique.
Puis, quand il était las de consulter ces indicateurs, il se reposait la vue en regardant les chronomètres et les boussoles, les sextants et les compas, les jumelles et les cartes éparpillées sur une table au-dessus de laquelle se dressait un seul livre, relié en veau marin, les aventures d’Arthur Gordon Pym, spécialement tiré pour lui, sur papier vergé, pur fil, trié à la feuille, avec une mouette en filigrane.
Il pouvait apercevoir enfin des cannes à pêche, des filets brunis au tan, des rouleaux de voiles rousses, une ancre minuscule en liège, peinte en noir, jetés en tas, près de la porte qui communiquait avec la cuisine par un couloir garni de capitons et résorbait, de même que le corridor rejoignant la salle à manger au cabinet de travail, toutes les odeurs et tous les bruits.
Il se procurait ainsi, en ne bougeant point, les sensations rapides, presque instantanées, d’un voyage au long cours, et ce plaisir du déplacement qui n’existe, en somme, que par le souvenir et presque jamais dans le présent, à la minute même où il s’effectue, il le humait pleinement, à l’aise, sans fatigue, sans tracas, dans cette cabine dont le désordre apprêté, dont la tenue transitoire et l’installation comme temporaire correspondaient assez exactement avec le séjour passager qu’il y faisait, avec le temps limité de ses repas, et contrastait, d’une manière absolue, avec son cabinet de travail, une pièce définitive, rangée, bien assise, outillée pour le ferme maintien d’une existence casanière.
Le mouvement lui paraissait d’ailleurs inutile et l’imagination lui semblait pouvoir aisément suppléer à la vulgaire réalité des faits. À son avis, il était possible de contenter les désirs réputés les plus difficiles à satisfaire dans la vie normale, et cela par un léger subterfuge, par une approximative sophistication de l’objet poursuivi par ces désirs mêmes. Ainsi, il est bien évident que tout gourmet se délecte aujourd’hui, dans les restaurants renommés par l’excellence de leurs caves, en buvant les hauts crus fabriqués avec de basses vinasses traitées suivant la méthode de M. Pasteur. Or, vrais et faux, ces vins ont le même arôme, la même couleur, le même bouquet, et par conséquent le plaisir qu’on éprouve en dégustant ces breuvages altérés et factices est absolument identique à celui que l’on goûterait en savourant le vin naturel et pur qui serait introuvable, même à prix d’or.
En transportant cette captieuse déviation, cet adroit mensonge dans le monde de l’intellect, nul doute qu’on ne puisse, et aussi facilement que dans le monde matériel, jouir de chimériques délices semblables, en tous points, aux vraies; nul doute, par exemple, qu’on ne puisse se livrer à de longues explorations, au coin de son feu, en aidant, au besoin, l’esprit rétif ou lent, par la suggestive lecture d’un ouvrage racontant de lointains voyages; nul doute aussi, qu’on ne puisse, — sans bouger de Paris — acquérir la bienfaisante impression d’un bain de mer; il suffirait, tout bonnement de se rendre au bain Vigier, situé, sur un bateau, en pleine Seine.
Là, en faisant saler l’eau de sa baignoire et en y mêlant, suivant la formule du Codex, du sulfate de soude, de l’hydrochlorate de magnésie et de chaux; en tirant d’une boîte soigneusement fermée par un pas de vis, une pelote de ficelle ou un tout petit morceau de câble qu’on est allé exprès chercher dans l’une de ces grandes corderies dont les vastes magasins et les sous-sols soufflent des odeurs de marée et de port; en aspirant ces parfums que doit conserver encore cette ficelle ou ce bout de câble; en consultant une exacte photographie du casino et en lisant ardemment le guide Joanne décrivant les beautés de la plage où l’on veut être; en se laissant enfin bercer par les vagues que soulève, dans la baignoire, le remous des bateaux-mouches rasant le ponton des bains; en écoutant enfin les plaintes du vent engouffré sous les arches et le bruit sourd des omnibus roulant, à deux pas, au-dessus de vous, sur le pont Royal, l’illusion de la mer est indéniable, impérieuse, sûre.
Le tout est de savoir s’y prendre, de savoir concentrer son esprit sur un seul point, de savoir s’abstraire suffisamment pour amener l’hallucination et pouvoir substituer le rêve de la réalité à la réalité même.
Au reste, l’artifice paraissait à des Esseintes la marque distinctive du génie de l’homme.
Comme il le disait, la nature a fait son temps; elle a définitivement lassé, par la dégoûtante uniformité de ses paysages et de ses ciels, l’attentive patience des raffinés. Au fond, quelle platitude de spécialiste confinée dans sa partie, quelle petitesse de boutiquière tenant tel article à l’exclusion de tout autre, quel monotone magasin de prairies et d’arbres, quelle banale agence de montagnes et de mers!
Il n’est, d’ailleurs, aucune de ses inventions réputée si subtile ou si grandiose que le génie humain ne puisse créer; aucune forêt de Fontainebleau, aucun clair de lune que des décors inondés de jets électriques ne produisent; aucune cascade que l’hydraulique n’imite à s’y méprendre; aucun roc que le carton-pâte ne s’assimile; aucune fleur que de spécieux taffetas et de délicats papiers peints n’égalent!
À n’en pas douter, cette sempiternelle radoteuse a maintenant usé la débonnaire admiration des vrais artistes, et le moment est venu où il s’agit de la remplacer, autant que faire se pourra, par l’artifice.
Et puis, à bien discerner celle de ses oeuvres considérée comme la plus exquise, celle de ses créations dont la beauté est, de l’avis de tous, la plus originale et la plus parfaite: la femme; est-ce que l’homme n’a pas, de son côté, fabriqué, à lui tout seul, un être animé et factice qui la vaut amplement, au point de vue de la beauté plastique? est-ce qu’il existe, ici-bas, un être conçu dans les joies d’une fornication et sorti des douleurs d’une matrice dont le modèle, dont le type soit plus éblouissant, plus splendide que celui de ces deux locomotives adoptées sur la ligne du chemin de fer du Nord?
L’une, la Crampton, une adorable blonde, à la voix aiguë, à la grande taille frêle, emprisonnée dans un étincelant corset de cuivre, au souple et nerveux allongement de chatte, une blonde pimpante et dorée, dont l’extraordinaire grâce épouvante lorsque, raidissant, ses muscles d’acier, activant la sueur de ses flancs tièdes, elle met en branle l’immense rosace de sa fine roue et s’élance toute vivante, en tête des rapides et des marées?
L’autre, l’Engerth, une monumentale et sombre brune aux cris sourds et rauques, aux reins trapus, étranglés dans une cuirasse en fonte, une monstrueuse bête, à la crinière échevelée de fumée noire, aux six roues basses et accouplées, quelle écrasante puissance lorsque, faisant trembler la terre, elle remorque pesamment, lentement, la lourde queue de ses marchandises!
Il n’est certainement pas, parmi les frêles beautés blondes et les majestueuses beautés brunes, de pareils types de sveltesse délicate et de terrifiante force; à coup sûr, on peut le dire: l’homme a fait, dans son genre, aussi bien que le Dieu auquel il croit.
Ces réflexions venaient à des Esseintes quand la brise apportait jusqu’à lui le petit sifflet de l’enfantin chemin de fer qui joue de la toupie, entre Paris et Sceaux; sa maison était située à vingt minutes environ de la station de Fontenay, mais la hauteur où elle était assise, son isolement, ne laissaient pas pénétrer jusqu’à elle le brouhaha des immondes foules qu’attire invinciblement, le dimanche, le voisinage d’une gare.
Quant au village même, il le connaissait à peine. Par sa fenêtre, une nuit, il avait contemplé le silencieux paysage qui se développe, en descendant, jusqu’au pied d’un coteau, sur le sommet duquel se dressent les batteries du bois de Verrières.
Dans l’obscurité, à gauche, à droite, des masses confuses s’étageaient, dominées, au loin, par d’autres batteries et d’autres forts dont les hauts talus semblaient, au clair de la lune, gouachés avec de l’argent, sur un ciel sombre.
Rétrécie par l’ombre tombée des collines, la plaine paraissait, à son milieu, poudrée de farine d’amidon et enduite de blanc cold-cream; dans l’air tiède, éventant les herbes décolorées et distillant de bas parfums d’épices, les arbres frottés de craie par la lune, ébouriffaient de pâles feuillages et dédoublaient leurs troncs dont les ombres barraient de raies noires le sol en plâtre sur lequel des caillasses scintillaient ainsi que des éclats d’assiettes.
En raison de son maquillage et de son air factice, ce paysage ne déplaisait pas à des Esseintes; mais, depuis cette après-midi occupée dans le hameau de Fontenay à la recherche d’une maison, jamais il ne s’était, pendant le jour, promené sur les routes; la verdure de ce pays ne lui inspirait, du reste, aucun intérêt, car elle n’offrait même pas ce charme délicat et dolent que dégagent les attendrissantes et maladives végétations poussées, à grand-peine, dans les gravats des banlieues, près des remparts. Puis, il avait aperçu, dans le village, ce jour-là, des bourgeois ventrus, à favoris, et des gens costumés, à moustaches, portant, ainsi que des saints-sacrements, des têtes de magistrats et de militaires; et, depuis cette rencontre, son horreur s’était encore accrue, de la face humaine.
Pendant les derniers mois de son séjour à Paris, alors que, revenu de tout, abattu par l’hypocondrie, écrasé par le spleen, il était arrivé à une telle sensibilité de nerfs que la vue d’un objet ou d’un être déplaisant se gravait profondément dans sa cervelle, et qu’il fallait plusieurs jours pour en effacer même légèrement l’empreinte, la figure humaine frôlée, dans la rue, avait été l’un de ses plus lancinants supplices.
Positivement, il souffrait de la vue de certaines physionomies, considérait presque comme des insultes les mines paternes ou rêches de quelques visages, se sentait des envies de souffleter ce monsieur qui flânait, en fermant les paupières d’un air docte, cet autre qui se balançait, en se souriant devant les glaces; cet autre enfin qui paraissait agiter un monde de pensées, tout en dévorant, les sourcils contractés, les tartines et les faits divers d’un journal.
Il flairait une sottise si invétérée, une telle exécration pour ses idées à lui, un tel mépris pour la littérature, pour l’art, pour tout ce qu’il adorait, implantés, ancrés dans ces étroits cerveaux de négociants, exclusivement préoccupés de filouteries et d’argent et seulement accessibles à cette basse distraction des esprits médiocres, la politique, qu’il rentrait en rage chez lui et se verrouillait avec ses livres.
Enfin, il haïssait, de toutes ses forces, les générations nouvelles, ces couches d’affreux rustres qui éprouvent le besoin de parler et de rire haut dans les restaurants et dans les cafés, qui vous bousculent, sans demander pardon, sur les trottoirs, qui vous jettent, sans même s’excuser, sans même saluer, les roues d’une voiture d’enfant, entre les jambes.
Zweites Kapitel
Nach dem Verkauf seiner Güter nahm Herzog Jean die alten verheirateten Dienstleute zu sich, die seine Mutter gepflegt und die zu gleicher Zeit dem Amte als Verwalter und Kastellane in Schloß Lourps vorgestanden hatten, das bis zur Feststellung des gerichtlichen Verkaufs unbewohnt und leer geblieben war.
Er ließ das Ehepaar nach Fontenay kommen. Sie waren an die Tätigkeit der Krankenwärter, an die Regelmäßigkeit, mit der von Stunde zu Stunde die Arzneien verabreicht wurden, wie an das starre Schweigen des Klosterslebens gewöhnt. Ohne mit der Außenwelt im geringsten zu verkehren, verblieben sie stets in geschloßnen Zimmern hinter verschloßnen Fenstern.
Dem Mann wurde die Reinigung der Zimmer und das Einholen übertragen, die Frau mit dem Kochen beauftragt. Er überließ ihnen den ersten Stock des Hauses, doch mußten sie dicke Filzschuhe tragen. Er ließ Windfänge vor den gut geölten Türen anbringen, und ihre Fußböden mit dicken Teppichen belegen, so daß er ihre Schritte über seinem Kopfe nicht hörte.
Er verabredete ebenfalls mit ihnen eine gewisse Art zu klingeln und bestimmte die Bedeutung der einzelnen Klingelzeichen nach ihrer Kürze und Länge; bezeichnete auf seinem Schreibtisch den Platz, wo sie jeden Monat das Rechnungsbuch hinlegen mußten — kurz er richtete sich so ein, daß er nicht oft genötigt war, sie zu sehn.
Ebensowenig wollte er, da die alte Dienerin manches Mal am Hause vorübergehn mußte, um aus einem kleinen Schuppen Holz zu holen, daß ihn ihr Schatten störe, der dann durch die Scheiben seiner Fenster fiel. Er ließ ihr daher ein besondres Kostüm aus flandrischer Seide mit weißer Mütze und niedergeschlagener breiter schwarzer Kapuze anfertigen, in der Art, wie sie die Frauen des Beguinenklosters in Gent tragen.
Wenn der Schatten dieser Kopfbedeckung in der Dämmerung an seinen Fenstern vorüberglitt, gab er ihm das Gefühl, daß er sich in einem Kloster befinde. Es erinnerte ihn an die stillen frommen Dörfer, die toten und versteckten Stadtviertel einer tätigen und lebhaften Stadt.
Er regelte und stellte auch die Stunden der Mahlzeiten fest, die übrigens wenig gewählt, vielmehr überaus einfach waren, denn die Schwäche seines Magens erlaubte ihm nicht, verschiedne oder schwere Gerichte zu genießen.
Um fünf Uhr im Winter, beim Herannahn der Dunkelheit, nahm er ein leichtes Frühstück ein, das aus zwei Eiern, kaltem Fleisch und Tee bestand. Um elf Uhr hielt er seine Hauptmahlzeit; manchmal trank er etwas Kaffee, Tee oder Wein während der Nacht, und gegen fünf Uhr morgens naschte er wohl noch ein paar leichte Sachen, worauf er sich schlafen legte.
Er nahm diese Mahlzeiten, deren Anordnung und Reihenfolge ein für allemal zu Anfang jeder Jahreszeit festgesetzt wurde, an einem Tisch in der Mitte eines kleinen Zimmers ein, das von seinem Arbeitszimmer durch einen ganz mit dickem Stoff ausgeschlagnen Korridor getrennt und ganz hermetisch verschlossen war, so daß weder Geruch noch Lärm in die beiden andern Gemächer dringen konnte.
Dieses Eßzimmer glich einer Schiffskajüte mit gewölbtem Plafond, im Halbkreis mit Balken, Wänden und Fußböden aus hellem Fichtenholz versehn, mit dem kleinen, runden, ins Holz eingelaßnen Fenster, das der Luftöffnung an den Seiten eines Schiffes nicht unähnlich war.
Gleich japanischen Schachteln, von denen die eine immer in die andre hineinpaßt, war dieser Raum vom Architekten in einen größern eingeschaltet, der als eigentlicher Eßsaal erbaut war.
Dieser hatte zwei Fenster, eines unsichtbar durch eine leichte Bretterwand den Blicken entzogen, das aber durch eine Feder nach Wunsch niedergelassen werden konnte, damit frische Luft durch die Öffnung eindringe, um die Fichtenholzkajüte zirkuliere und sich hier verbreite. Das andre sichtbare Fenster befand sich grade gegenüber dem runden Kajütenfensterchen in der Holzbekleidung, jedoch zugesetzt durch ein großes Aquarium, das den ganzen Raum zwischen dem kleinen runden und dem wirklichen Fenster in der Mauer ausfüllte. Das Tageslicht drang also durch das große Fenster, durch das Wasser und schließlich durch das runde Fenster in die Kajüte.
Wenn dann der Samowar auf dem Tische dampfte und die Sonne im Herbste unterging, rötete sich das Wasser im Aquarium trübe und gläsern und warf einen leichtfeurigen Schimmer auf das helle Getäfel.
Nachmittags manchmal, wenn der Herzog Jean zufällig wach war und aufstand, setzte er den Betrieb der Wasserröhren, die das Aquarium leerten, in Bewegung und ließ es sich wieder von neuem mit frischem Wasser füllen. Indem er dann einige Tropfen farbiger Essenz hineintat, erzeugte er grünliche und gelbliche, milchweiße oder silberne Färbungen, wie sie die natürlichen Gewässer je nach der Farbe des Himmels, der mehr oder minder starken Glut der Sonne oder des nahenden Regens haben, mit einem Wort: wie es die Jahreszeit der Atmosphäre verursacht.
Er bildete sich dann ein, in dem Zwischendeck einer Brigg zu sein; und neugierig betrachtete er wunderbar gearbeitete Fische, die, aufgezogen durch ein Uhrwerk, vor der Scheibe des runden Kajütenfensters vorbeischwammen und in dem künstlichen Gras hängen blieben. Oder er betrachtete, während er den Teergeruch einsog, mit dem man den Raum besprengt hatte, bevor er ihn betrat, die an den Wänden aufgehängten farbigen Stiche, die — wie in den Agenturen der Schiffahrtsgesellschaften — Dampfschiffe auf dem Weg nach Valparaiso oder La Plata vorstellten. Oder er besah die eingerahmten Tabellen, auf denen die Reiseroute der Linie der Postdampfer der Kompanien Lopez und Valéry, die Frachtgelder, die Häfen des Postdienstes im Atlantischen Meer verzeichnet waren.
Dann, wenn er müde war, diese Fahrpläne zu Rate zu ziehn, ließ er seine Blicke über die Chronometer und Kompasse schweifen, über die Winkelmesser und Zirkel, die Fernrohre und Karten, die zerstreut auf dem Tisch lagen, auf dem sonst nur ein einziges Buch aufgestellt war, gebunden in Seehundsleder: Arthur Gordon Pyms Abenteuer, das besonders für ihn auf streifiges Papier reinster Faser gedruckt war, jedes Blatt sorgfältig ausgesucht und mit einer Schwalbe als Wasserzeichen.
Da waren außerdem Fischereigeräte, durch Lehm gezogene Netze, aufgerollte braune Segel, ein kleiner schwarz gestrichner Anker aus Kork, zu einem Haufen nahe der Tür vereinigt, die durch einen kleinen ausgepolsterten Flur in die Küche führte und der ebenso wie der Korridor den Eßsaal mit dem Arbeitszimmer verband, um die Gerüche und den Lärm aufzusaugen.
Auf diese Art verschaffte er sich ohne große Mühe sofort die augenscheinlichsten Eindrücke einer Seereise. Besteht doch das Vergnügen der Abwechslung im Grunde genommen einzig in der Erinnerung und fast niemals in der Gegenwart, in dem Augenblicke selbst. Er kostete sonach diese Abwechslung in vollen Zügen, mit aller Bequemlichkeit, ohne jede Anstrengung und ohne die sonst unvermeidlichen Verdrießlichkeiten in dieser erdachten Kajüte.
Bewegung schien ihm zudem überflüssig, da ihm die Einbildung leicht die gewohnte Wirklichkeit des Lebens zu ersetzen vermochte.
Nach seiner Ansicht war es nämlich möglich, sich die Wünsche, die für die schwierigsten gelten, im normalen Leben künstlich selbst zu befriedigen und dies mittels Täuschung durch eine genaue Fälschung der erwünschten Gegenstände zu tun. Ist es doch klar, daß jeder Feinschmecker heutzutage entzückt ist, wenn er in einem wegen der Vortrefflichkeit seines Kellers berühmten Restaurant die teuern Weine schlürft, die nach Pasteurs Methode aus leichten billigen Weinen hergestellt sind. Falsch oder echt, diese Weine haben ganz dasselbe Aroma, dieselbe Farbe, dieselbe Blume und verursachen also auch dasselbe Vergnügen, das man beim Kosten und Genießen echter und reiner Weine empfindet, die infolge starker Nachfrage schließlich für Gold kaum aufzutreiben wären.
Es unterliegt nach alledem keinem Zweifel, daß sich diese berauschende Abweichung, diese geschickte Lüge und Täuschung des Geistes in die Welt des realen Verstandes übertragen lassen und daß man mithin ebenso leicht wie in der materiellen Welt eingebildete Wonnen genießen kann, die fast in allen Punkten den wirklichen gleichen. Kein Zweifel zum Beispiel, daß man im Notfall dem störrisch langsamen Geiste nachhelfen, beim Lesen einer fesselnd geschriebenen Reisebeschreibung ruhig am Kamin verweilen und sich erfolgreich angenehmen Forschungen hingeben kann. Wie man sich auch — ohne Paris zu verlassen — das wohltuende Gefühl eines Seebades suggerieren kann, da es ja genügt, sich nach Vigier zu begeben, dessen Bäder mitten in der Seine liegen.
Wenn man dort das Wasser der Wanne salzen läßt und nach der Vorschrift des Arzneibuches schwefelsaures Sodasalz und Magnesia hinzufügt und ein kleines Ende Kabeltau aus einer Seilerei mitnimmt und dann den Duft, den dieses Tau noch bewahrt hat, einsaugt und dabei eifrig Joannes Handbuch liest, das die Schönheiten des Strandes, an dem man sein möchte, beschreibt; und wenn man sich dann schließlich noch leise von den Wellen schaukeln läßt, die die Dampfschiffe, die an der schwimmenden Badeanstalt vorbeifahren, in der Badezelle aufwerfen, wenn man das Ächzen des Windes hört, der sich unter den Brücken fängt, und dem dumpfen Lärm der Omnibusse lauscht, die wenige Schritte weiter über Pont-Royal hinwegrollen — ist da nicht die Illusion des Meeres unleugbar da?
Es handelt sich eben nur darum, seinen Geist auf einen bestimmten Punkt zu richten.
Da ist nicht eine ihrer Erfindungen, möge sie für noch so feinsinnig oder noch so großartig gelten, die das Genie des Menschen nicht zu schaffen imstande wäre! Da ist kein Wald von Fontainebleau, kein Mondschein, den nicht eine von elektrischem Licht überflutete Dekoration hervorzuzaubern vermöchte; kein Wasserfall, den die Wasserleitungskunst nicht täuschend nachahmen könnte, kein Felsen, der nicht durch Papiermaché herzustellen wäre, keine Blume, die nicht durch besonderen Taffet und zart bemaltes Papier genau so wiedergegeben werden könnte!
Unzweifelhaft hat diese uralte Schwätzerin Natur die gutmütige Bewunderung der wirklichen Künstler erschöpft, und der Augenblick ist gekommen, sie verbessert zu ersetzen, soweit es sich eben durch die Kunst ermöglichen läßt.
Und dann, um ehrlich zu sein: das ihrer Werke, das fraglos als das künstlichste gilt, die ihrer Schöpfungen, deren Schönheit nach Aller Ansicht die ursprünglichste und vollkommenste ist, das Weib — hat der Mensch nicht seinerseits ein ebenso künstliches Wesen voll von Leben geschaffen, das vom Gesichtspunkt der plastischen Schönheit aus ihr vollkommen gleichwertig ist? Gibt es wohl hienieden ein Wesen, das, in Freuden der Brunst empfangen und mit Schmerzen aus der Mutterschaft hervorgegangen, an Form und Rasse strahlender und prächtiger sei, als das der beiden Lokomotiven, die auf der Nordbahn ihren Dienst verrichten?
Die eine, die Crampton, eine entzückende Blondine, mit scharfer Stimme, von hohem, schlankem Wuchs, eingeschnürt in ein glänzendes Kupferkorsett, geschmeidig — nervös wie eine Katze — eine schmucke goldige Blondine, deren außergewöhnliche Anmut nahezu erschreckt, wenn sie ihre Stahlmuskeln steift und den Schweiß ihrer warmen Schenkel dadurch erhöht, daß sie die ungeheure Rosette ihres zarten Rades in Bewegung setzt und wie rasend an der Spitze des Schnellzuges vorwärts stürmt!
Die andre, die Engerth, eine monumentale, dunkle Brünette mit dumpfen rauhen Tönen, mit stämmigen Lenden, eingepreßt in ihren gußeisernen Panzer, ein unförmiges Wesen mit wilder Mähne schwarzen Rauches und mit sechs niedrigen gepaarten Rädern; welche erdrückende Macht, wenn sie die Erde erzittern macht und plump und langsam den schweren Güterzug hinter sich drein schleppt!
Sicherlich gibt es unter den zarten blonden und den majestätischen brünetten Schönheiten keine derartigen Typen zarter Schlankheit und erschreckender Kraft; auch kann man mit Recht sagen: der Mensch hat, in seiner Art, ebenso Gutes geschaffen wie Gott. —
Diese Betrachtungen kamen des Esseintes, wenn ihm der Wind das sanfte Pfeifen der kleinen Eisenbahn zutrug, die sich wie ein Kreisel zwischen Paris und Sceaux hin und her bewegt.
Sein Haus war ungefähr zwanzig Minuten von der Station Fontenay entfernt; aber die Höhe, auf der es stand, und seine einsame Lage ließen nicht den Lärm des gemeinsamen Lebens bis zu ihm dringen.
Das Dorf selbst kannte er kaum. Durch seine Fenster hatte er eines Nachts die stille Landschaft betrachtet, die sich vor ihm ausbreitete und hinunterzog bis zum Fuß des Hügels, auf dessen Spitze die Batterien des Gehölzes von Verrières aufgepflanzt sind.
In der Dunkelheit rechts und links stiegen verworrne Massen stufenweise auf, in der Ferne von andern Batterien und andern Forts überragt, deren hohe Böschungen im Mondlicht wie in Wasserfarben mit schimmerndem Silber auf dunkelm Himmelsgrund gemalt erschienen.
Zusammengeschrumpft im Schatten der Hügel er schien die Ebene in der Mitte wie mit Mehl bestreut und mit weißem Cold-cream bestrichen. In der warmen Luft, die leise die farblosen Gräser fächelte und würzigen Duft verbreitete, schüttelten die wie mit Kreide übertünchten Bäume im Mondlicht ihr fahles Laubwerk und vergrößerten ihre Stämme, deren Schatten den Gipsboden mit schwarzen Streifen furchten, auf dem die Kieselsteine wie Tellerscherben glänzten. Ihres verkünstelt geschminkten Aussehns wegen mißfiel dem Herzog Jean diese Landschaft nicht. Seit dem Nachmittag, den er auf der Suche nach dem Hause im Dörfchen von Fontenay zugebracht hatte, war er niemals mehr am Tage den Weg gegangen. Das grüne Laub dieser Gegend flößte ihm außerdem kein Interesse ein, bot es doch nicht einmal den zarten melancholischen Reiz dar, der der oft rührend kränklichen Vegetation entströmt, die notdürftig zwischen dem Schutt des Weichbildes nahe den Wällen hervorschießt.
Überdies waren ihm an jenem Nachmittage im Dörfchen einige dickbäuchige Einwohner mit Backenbärten und Leute in Gehröcken mit Schnurrbärten begegnet — Köpfe, die ohne Zweifel der Obrigkeit oder dem Militär angehörten; und seit dieser Begegnung hatte sein Widerwille gegen jedes menschliche Gesicht noch mehr zugenommen.
Während der letzten Monate seines Aufenthalts in Paris, als er alles überwunden hatte, empört durch die allgemeine Heuchelei und vom Weltschmerz niedergedrückt, war die Überreiztheit seiner Nerven derartig gestiegen, daß sich der Anblick mancher Gegenstände oder Wesen seinem Gehirn so tief einprägte, daß es mehrerer Tage bedurfte, um nur die Spuren davon zu verwischen. Unangenehme Gesichter, die sein Blick auf der Straße streifte, waren ihm zur wahren Qual geworden.
So litt er entschieden beim Anblick gewisser Physiognomien, deren hausbackner unfreundlicher Typus ihm wie eine Beleidigung erschienen; es wandelte ihn eine wahre Lust an, die zu ohrfeigen, die da langsamen Schrittes mit gelehrter Miene und gesenkten Augen über die Straße gingen, wie auch die, die sich in den Hüften wiegen und sich gar wohlgefällig in Spiegelscheiben zulächeln, oder die andern wieder, die eine ganze Welt von Gedanken zu bewältigen scheinen, indem sie mit der wichtigsten Miene den albernsten Klatsch und den haarsträubendsten Blödsinn der Tagesblätter verschlingen und einfach wiederkäuen.
Er witterte bei allen eine so eingewurzelte Dummheit, einen solchen Abscheu gegen seine eignen Ideen, eine solche Verachtung der Literatur, der Kunst, kurz, was er verehrte, als wäre es ihnen erblich angeboren oder in ihre beschränkten Krämerseelen eingeankert, die, schließlich nur auf Gaunerei und Geld erpicht, wie alle unbedeutenden und schwachen Geister, nur für niedrige Zerstreuungen der gemeinen Politik eingenommen sind, so daß er wütend nach Hause ging, um sich mit seinen Büchern einzuschließen.
Kurz, er haßte mit ganzer Kraft die neuen Generationen, diese Vertreter moderner Flegelei, die das Bedürfnis haben, überall in den Speisesälen und Kaffeehäusern laut zu schrein und unverschämt zu lachen, die uns auf der Straße wüst anrennen, ohne um Verzeihung zu bitten, oder einem auch wohl einen Kinderwagen zwischen die Beine schieben, ohne sich zu entschuldigen oder kaum den Hut zu lüften.